Mon portrait présenté dans M, magazine du Monde
Par Célia Roger/Photos Guia Besana
“J’aimerais que l’on puisse considérer
qu’un député issu de l’immigration
représente la France.”
Yacine Djaziri, 43 ans, entrepreneur,
membre du PS.
« Nous, on faisait tout pour que personne ne nous remarque. On était les invisibles. Les générations suivantes, comme vous, ont voulu devenir visibles. Alors, ça a créé des problèmes. » Hadjira, la mère de Yacine, parle sans porter de jugement, entre deux gorgées de thé à la menthe, en écoutant ses deux fils et sa fille débattre de la place compliquée accordée parla France aux enfants d’immigrés.
Depuis le jour où elle a débarqué d’Alger en 1969 avec son aîné dans les bras, cette petite femme souriante n’a eu qu’une obsession : que ses enfants s’en sortent, leur imposant une discipline de fer et le culte de la réussite scolaire. Ils sont aujourd’hui quadras et à leur tour parents et ont quitté les tours de la cité Pablo Picasso de Nanterre.
Sabrina est devenue professeur d’histoire-géo. Lamine, cadre supérieur dans l’informatique vient de monter sa boîte. Mais surtout, Yacine, l’aîné, entrepreneur dans les Hauts-de-Seine, marié et père de deux jeunes enfants, s’est présenté cette année à la députation. Pour Hadjira, l’affiche électorale placardée dans les rues de leur ville de Nanterre avec le nom et la photo de son fils était « un symbole ».
Yacine Djaziri s’était présenté sous l’étiquette PS. Il se serait bien passé en revanche de celle de « diversité », qui lui a pourtant permis de décrocher son investiture, sa circonscription faisant partie de celles réservées par le parti à un candidat issu de la diversité. Balayé dès le premier tour par une figure locale du Parti communiste, l’ancienne maire de Nanterre, députée depuis… 1978, il déplore l’incapacité de « renouvellement » de la classe politique française. « C’est pour cela que l’Assemblée nationale ne ressemble pas à la France d’aujourd’hui. »
A la tête d’une entreprise de BTP d’insertion, et engagé de longue date dans le développement économique des quartiers populaires, Yacine Djaziri est devenu l’un des experts du très parisien et très bobo think tank Terra Nova. Et est à l’origine d’une des propositions de François Hollande sur la création des « emplois francs » pour les personnes habitant dans les quartiers défavorisés. A 43 ans pourtant, il a pour la première fois le sentiment de trouver sur son chemin une forme de résistance liée à ses origines. Il ose le mot « racisme ». « La politique est un univers très fermé. Dans le monde de l’entrepreneuriat, peu importe d’où l’on vient, c’est le résultat qui compte. »
En politique, c’est différent. Impression d’être réduit trop souvent à son statut de « Maghrébin » ou de « musulman», lui se définit comme « multiculturel ».
Ses témoins de mariage et meilleurs amis s’appellent Bruno et Aïcha et il trouve que cela le résume bien. « J’aimerais un jour que l’on puisse considérer qu’ un député issu de l’immigration représente la France, et non pas une communauté. Etre considéré comme n’importe quel autre député. » Il est malgré tout assez confiant. Il prédit que les nouveaux élus de la future Assemblée issus de la diversité tisseront leur propre toile. Sans qu’il n’y ait plus à leur réserver de circonscriptions.